Valse nue
- Melissa Fauteux
- 29 févr. 2020
- 3 min de lecture
Mur de briques. Néons feutrés bleu et roses. Verres de vin entamés. Fragments d’individus disparates qui se dévorent des yeux.
Un resto speakeasy chic qui sent l’sexe. Les serveurs sentent l’sexe, le plancher sent l’sexe, l’atmosphère est palpable. Je peux toucher l’oxygène.

J’ai mis ma plus belle robe de satin. Tu sais, celle qui en dévoile juste assez, mais sans être vulgaire. Celle qui dit prend moi all-dressed, but don’t really care for the dress. J’me sens nue anyway.
J’ai accepté à une amie dans une fin de soirée bien arrosée de venir, ce soir, dans cette endroit qui sort d’une autre dimension.
Noémie m’avait dit:
- Tu vas voir, c’est spécial. Très spécial, mais je penses que ça peut te faire du bien.
Donc, voilà. Je suis seule à une petit table ronde, à attendre je-ne-sais-quoi. Elle m’avait dit qu’elle s’occupait de tout. Je n’avais qu’à me présenter et dire mon nom à la porte.
Sur le coup, je me demandais si c’était une joke.
Je suis arrivée, l’endroit semblait être une diner 24/7 de Montréal des années 80, mais après avoir dit mon nom, une vieille dame m’a fait déambuler jusqu’au fond de la salle, m’a fait passer par la toilette des employés, puis a ouvert une des cabines avec un écriteau inscrit ‘’Hors d’usage’’.
La surprise lorsque j’ai aperçu le beau mastodonte derrière la porte sous la lumière tamisée.
Je voyais un monde étrange s’ouvrir devant mes pupilles curieuses.
Il m’a accompagné à la petit table ronde. Une serveuse est venu me porter un cocktail dont je n’arrives pas reconnaître la concoction. Mon amie s’occupait de tout disait-elle.
Puis, j’attends.
Je zieutes les membres du staff et les autres clients qui chuchotent leurs conversations.
Une fille s’approche d’un micro posé sur un large piano à queue sur la scène à deux pas de moi. Sous les projecteurs qui s’acharnent graduellement, elle entame la chanson Toi et moi de Paradis.
Tout à coup, les dizaines de couples, du moins ce qui semblait être des couples, se lèvent.
Ce qui me donnait l’impression que chacun et chacune se mettrait à danser, était en fait une valse que je vais me rappeler toute ma vie.
Ils se déshabillent. Oui. Se déshabillent. Lentement. Au rythme mezzo-soprano de la chanteuse.
Je me retourne vers elle. Elle ne porte plus sa robe. Elle retire ce qui lui reste de tissu, ne portant plus que ses talons aiguilles et son collier de perles. Ses longs cheveux châtains couvrants à peine ses mamelons dures et retroussés.
Les deux couples de la table auprès de moi se dévorent, se lèchent, se pétrissent d’envi. Un des garçons me tend la main, me sourit tendrement et m’invite.
Je déclines un instant.
Je suis surprise.
Excitée, mais surprise.
Il n’est pas insulté, retourne à sa besogne.
Je me lèves à mon tour et marches à travers les corps qui se font de plus en plus animal.
Un spectacle d’une chorégraphie à la sensualité que je ne connaissais pas.
La chanson ne se termine pas. Elle fait place à une voix d’homme. Une voix rauque dont les peaux nus se délectent.
C’est maintenant la chanteuse qui me tend la main.
Je la prends.
J’observe un instant ce corps, cette peau d’ivoire légèrement ronde, des hanches généreuses, des mains douces, une bouche en coeur.
Elle m’accompagne près du large piano à queue. M’assoie sur la banc. S’approche pour m’embrasser. Ses lèvres s’apprêtent à toucher les miennes que je sens ses cuisses bouillantes frôler les miennes.
Je suis encore vêtue.
Elle ne colle pas sa bouche, elle ne souffle que ces mots:
Je peux ?
Je marmonnes oui.
Elle répète en glissant ses jambes humides au sol:
Je peux ?
Écarte les miennes.
Absolument.
Je recules la tête, la laisses tomber sur les notes.
Je pousses la première grande note de la soirée.
Maintenant, je sais danser.
Maintenant, je sais suivre le rythme des corps.

Comments